Voici la conclusion du sociologue Edgar Morin, parue dans le Rapport du Comité des Sages (12 septembre 2003) pages 57 et 58:

"S'orienter vers une politique de société et de civilisation :

A partir des impératifs de sécurité, d'autonomie, de sauvegarde de notre environnement, et inséparablement, de promotion de la qualité de la vie, pourra être définie une politique qui ne se bornerait pas à varier taxations, détaxations, contrôles. La politique d'économie devrait être une politique où la restriction serait synonyme, non de privation, mais de tempérance. Elle comporterait une campagne contre les " intoxications " (auto) et les dilapidations, pour les recyclages et pour la promotion du qualitatif par rapport au quantitatif. Une telle politique, qui dépasse les simples économies et les simples aménagements, comporterait réorientation et réorganisation, concernant tous les secteurs de la vie sociale et individuelle. Ce serait une politique de réforme et d'éducation. Cette politique réformatrice nécessiterait certes des dépenses considérables (grands travaux urbains, lourds investissements sur les transports (ferroutage) et sur l'habitat). Mais toutes ces dépenses, non seulement seraient capables de relancer une activité économique en époque de stagnation et chômage, elle comporterait aussi à terme d'énormes économies dans les dépenses de santé. La réduction massive, sous l'effet d'une nouvelle politique urbaine, des asthmes, bronchites, fatigues, maux en fait socio-psychosomatiques, consommations d'antidépresseurs, drogues, somnifères, etc… ainsi que corrélativement le développement de la qualité de la vie, comporterait une réduction continue du budget de la santé publique. Enfin, donner un sens politique à la qualité de la vie, ouvrirait une espérance à une société aujourd'hui privée d'avenir. Ici devrait s'inscrire une éducation de civilisation qui comporterait:
o Education à la consommation (la compulsion de consommation, sa psychosociologie, comment choisir, comment considérer la publicité, éduquer à la qualité)
o Education à l'automobile (analyser l'intoxication automobile)
o Education au tourisme et rééducation aux randonnées (montrant l'avantage d'un rythme de voyage qui permet de jouir des pays, des paysages et des cultures plutôt que des inclusive-tours précipités).

Une nouvelle politique nécessiterait l'action conjointe de l'Etat, des collectivités publiques, des associations privées et des citoyens. Elle appellerait ce qu'un sociologue a appelé une " gouvernance de concertation ". Elle nécessiterait de conjuguer la socio- régulation, l'éco-régulation et l'égo-régulation. Elle devrait affronter non seulement lobbies et corporatismes mais aussi apathie et indifférence. Elle appelle un éveil citoyen lequel se produirait par la prise de conscience des problèmes vitaux qui sont impliqués dans ce mot " énergie ". Une politique pourrait et devrait mettre en œuvre des moyens immédiats. Mais il s'agit d'une politique à longue haleine, qui dépasse l'horion 2010. Au delà de l'immédiat, il faut donc indiquer la Voie. Une telle politique demande de conjuguer prudence et hardiesse. Prudence pour garantir les sécurités, hardiesse pour promouvoir les réformes. Il s'agit, à notre sens, d'une politique de société qui se confond avec une politique de civilisation. Il s'agit d'épanouir les bienfaits de notre civilisation et d'en réduire les maux. Le problème est complexe puisque le mal-être mental et affectif est inclus dans notre bien-être matériel. Il s'agit de redécouvrir que la finalité de la vie est dans le bien vivre et non dans le beaucoup avoir, dans la qualité, notamment des relations entre humains, et non dans la quantité. Il s'agit de réorienter une culture quantitativiste vers une culture des qualités, au premier chef la qualité de la vie. Il s'agit d'épanouir l'individualité, en la complétant par les solidarités et les auto-régulations. La disparition des solidarités traditionnelles, l'égocentrisme individualiste, le déchaînement du profit, la pression de civilisation, ont conduit non seulement à la surconsommation et au gaspillage, mais aussi à la dégradation de la civilité et du civisme. Comme la voie suivie jusqu'à présent nous conduit à l'aggravation de tous ces maux et périls, il s'agit par prises de consciences et réformes de changer de voie, de changer de modèle. Dès lors, le mot de développement, même sous sa forme adoucie de " durable ", ne convient plus. Il faudrait concevoir un épanouissement humain."

Le rapport complet du Comité des Sages à propos du débat national sur les énergies, septembre 2003 (format PDF, 62 pages).

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